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294 ^^ NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

escamotent toutes les rimes, contrarient tous les mouvements, trouve l'occasion ici de pousser à bout sa folie barbare. VŒdîpe de M. de Bouhélier est écrit en octosyllabes et d'un bouta l'autre rimé. Beaucoup de spectateurs ne s'en doutèrent pas. C'est une véritable torture que d'avoir, toute une soirée, à subir ce langage mixte, privé totalement de rythme, puisqu'il cache son rythme propre qui est celui des vers et n'acquiert en compensation aucun des rythmes de la prose, dans le sens de laquelle il n'a pas été dirigé. Que reste-t-il ici du plus bondissant de nos mètres, de son allégresse, de sa carrure l Quand les acteurs comprendront-ils que la rime ou que l'assonnance est faite expressément pour être entendue et qu'il est une certaine façon d'enjamber qui la souligne sans s*y arrêter et sans dissocier le rythme ? Le point de vue du

  • ' naturel " qui est celui M. de Bouhélier, au lieu de les guérir,

les encourage dans leur vice. Il n'y a plus de rythme, il n'y a plus d'échos sonores, et ajoutons : il n'y a plus de naturel ; car la nature parle en prose. De temps en temps, dans cette incohérente polyphonie éclate un accord parfait qui surprend j deux mots se sont choqués et sonnent ! Ils ne sont pas toujours heureux. Et, lorsque le vieillard Polybe, de Corinthe, fait rimer le nom de sa ville avec un " ça m'éreinte ! " rien moins que corinthien, je ne dit pas qu'on rit, mais on sursaute et on met de côté cet exemple typique de l'incompatibilité naturelle qui sépare la beauté grecque du langage de nos faubourgs — et plus généralement toute beauté d'une forme plate ou vul- gaire. En vérité, quel alliage I Nul génie n'y résisterait. Il m'a paru que M. de Bouhélier y a perdu couleur, accent, lyrisme et ne s'est pas gardé des plus choquantes impropriétés. Je n'en veux relever aucune ; elles sont très probablement volontaires : le mot impropre n'est-il pas le plus naturel ?

Tout cela se tient donc et provient d'une erreur centrale ; l'erreur " naturaliste " appliquée au grand art tragique des Grecs. On ne ** vulgarise " pas le grand art, on ne l'accommode

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