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Page:NRF 14.djvu/309

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NOTES 303

fantôme dans les limbes de formes qui ne sont pas viables. Son postulat ne formule qu'une impossibilité et son paradoxe n'est qu'une main qui s'ouvre et se serre sur le vide. Mais quand on ferme son livre, on a tout de même été intéressé, on a tout de même pensé et le paradoxe évanoui n'a point passé en vain.

On ferait les mêmes réflexions sur Callklès dont la forme est très agréable, mais le fond peu nouveau. Il s'agit de faire apprécier par Socrate, comme par une sorte de compère de revue, notre civilisation, dont une fiction candide l'aura rendu contemporain. Socrate, ayant pris en quelques instants connais- sance de cette époque qui lui est présentée à la manière des Lettres persanes, c'est-à-dire d'une manière profondément ridicule pour un étranger, n'a pas de peine à se livrer à son petit jeu habituel et à faire rentrer en quelques passes notre prétendue civilisation dans le concept de barbarie. Il est rapidement prouvé que notre époque a été conduite par la science même et par les progrès de la pratique à la barbarie, c'est-à-dire à l'épaississement ou à la nullité de cet homme intérieur, de cet individu que les Grecs s'étaient efforcés de sculpter purement.

M. Gonzague Truc, qui a de l'esprit, entremêle cela de boutades contre le christianisme, les professeurs de la Sorbonne, les fonctionnaires et l'art moderne. Je vois qu' " il promène dans le désert des foules, d'un pas fatigué, une nostalgie incurable et je l'entends qui murmure dans un soupir : Ah ! Socrate, que le jour était pur quand se déroulait sur l'Acropole la procession des Panathénées et que tu t'entretenais avec Théodore, Chéréphon et Calliclès des choses futures, dans les jardins d'Académos ! "

Le paradoxe de M. Truc n'est autre que celui d'un indivi- dualisme effréné. Il estime que l'homme était plus heureux autour de Socrate au V® siècle qu'aujourd'hui sur la montagne Sainte-Geneviève. C'est beaucoup s'avancer. Je ne puis savoir si un homme que je vois tous" les jours est réellement plus heureux ou plus malheureux que moi ; si je le lui demande il

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