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308 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

sance — sinon en utilisant leur technique, comme Delacroix — que Renoir retrouva leurs belles certitudes, et créa des formes durables. Pour les impressionnistes purs, Monet, Sisley, Berthe Morisot, etc. l'éclat du soleil, les jeux fortuits du prisme à la surface des objets, localisent l'attention du peintre. L'effet devient le motif ; il absorbe les objets qui ne sont plus que des témoins, et qui s'évanouissent dès qu'ils ne servent plus à supporter le terrible " éclairage ". La pers- pective colorée, credo des peintres de la nouvelle école, entraîne les objets vers leur désagrégation, les incite à l'effacement total au sein du Soleil-Moloch. L impressionnisme est la tentation du néant.

Renoir, qui ne s'intéresse à la lumière que dans la mesure où elle est révélatrice des qualités profondes de la matière qu'il interroge, pense, dans son amour pour toutes choses, qu'il n'est pas un seul objet qui ne soit digne de la recevoir. Car elle n'est plus pour lui l'unique reine dont les moindres signes sont des ordres ; elle est son auxiliaire ; il l'a en main comme un outil et, ne la projetant pas plus sur telle forme que sur telle autre, il la répartit sur tous les points de son tableau ; elle met en valeur la partie culminante des objets qui, loin de fuir vers leur mort, affluent vers l'œil et se modèlent avec égalité. L'espace visuel impressionniste est aboli, et l'espace spirituel des peintres est reconquis. Les belles rondeurs lisses de Renoir ne s'échelonnent pas en profondeur mensurable mais roulent les unes sur les autres, s'équilibrent et se super- posent comme des mondes lumineux. Ayant demandé à la nature le secret de sa stabilité, les causes, pour lui succédant aux effets, sont devenues l'unique motif. Comme Cézanne, il a découvert les lois divines de l'équilibre dont il se sert pour régir l'économie de cet univers réduit : le tableau, qu'il crée à l'instar de Celui qui sourit à son génie... Cependant que Monet, l'impressionniste- type, poussant ses spéculations jusqu'à l'absurde, renonce non seulement à la représentation de l'homme, mais à tout ce qui dans le paysage pourrait s'articuler comme des membres humains. Seuls, les phénomènes qui activent la dissolution apparente des objets sollicitent son

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