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Page:NRF 14.djvu/371

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MANNEQUIN D'aCAJOU 365

saura jamais qu'elle fut une enfant, et le petit garçon riche sortant du jardin public à cent mètres du carre- four. 11 n'a rien vu. Parce qu'il n'a pas tourné l'angle du boulevard — le boulevard défiguré à cause du candélabre renversé dans la bagarre, le candélabre d'un luxe inouï — il n'aperçoit pas les dragons à l'écusson funèbre s'avancer tranquilles, sabre au fourreau, en peloton compact, ni la garde municipale qui, sa besogne faite, s'ébroue, hommes et bêtes, dans la ruelle aux moiteurs de cave.

L'œil du cheval de troupe absorbe un canton pacifié du monde qu'une houle soulevait.

On recoud les lèvres de l'adjudant.

Le petit garçon riche ne voit pas l'écolier sage courir ainsi qu'un fox au long du peloton en marche.

L'enfant bien élevé, bien vêtu, rouge de confusion, de honte, de terreur et de satisfaction, court droit devant soi.

La fontaine de fonte bronzée est au milieu de la place.

Voici l'instant sublime qui grandit son enfance.

11 a satisfait au tenace désir.

11 a osé et il est un peu étourdi, un peu ivre d'avoir tant et si vite et si facilement osé.

Son trouble est tel qu'il demeurera longtemps visible ; si on l'interroge, lui qui a tant osé, il n'osera pas avouer. Jamais.

11 y a tant de jours, tant de semaines, tant de mois que l'envie furieuse le mordait.

C'est fait. Le voici troublé mais satisfait, épouvanté, joyeux et plus jamais il ne sera digne d'être nommé candide.

Un signe est sur lui.

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