REFLEXIONS SUR LA LITTERATURE 429
sur des observations analogues pour conserver une expression dont j'ai eu tort d'user et qu'il faut décidément laisser tomber.
Retenons pourtant de tout cela que ces questions de frontière entre le génie et la longue patience qui lui ressemble si bien sont extrêmement complexes. Où plutôt, mettons-nous un peu de musique dans l'esprit. Relisons du Banquet le discours d'Agathon et la cri- tique qu'en fait Socrate, ce commentaire anticipé du : Tu ne me cher- cherais pas si tu ne m'avais trouvé. Appliquons au problème du style la solution que donne Socrate du problème de l'amour. Nos idées non seulement s'éclairciront, mais prendront la plus belle lumière.
��Il est donc entendu que l'expression de ma pensée est restée sensi- blement en deçà de l'admiration que mérite Flaubert et que je ressen- tais pleinement. Etes-vous sûr que, par un jeu de bascule naturel, l'expression de la vôtre n'aille pas, de la même longueur, au-delà? « J'ai été, dites-vous, stupéfait, je l'avoue, de voir traité de peu doué pour écrire, un homme -qui par l'usage entièrement nouveau et per- sonnel qu'il a fait du passé défini, du passé indéfini, du participe présent, de certains pronoms et de certaines prépositions, a renouvelé presque autant notre vision des choses que Kant avec ses Catégories, les théories de la Connaissance et delà Réalité du monde extérieur. » J'aurais peut-être droit aussi à quelque stupéfaction devant ce rappro- chement, qu'on serait assez mal venu d'appuyer sur une phrase célèbre de Buffon ; mais je préfère me souvenir du conseil de Paul- Louis, ne pas confondre Gonesse avec Tivoli, ni Pontoise avec Alba- no. Dirons-nous que Pascal, quije premier a introduit dans la langue, avec les Provinciales, le participe présent indéclinable, a renouvelé par là presque autant notre vision des choses que par l'opuscule sur VEsprit géométrique, l'idée des deux infinis, les inventions de son apologétique? Mettons le style, et, comme vous dites, la beauté gram- maticale, à leur place, mais sachons aussi les tenir à cette place, et ne cédons pas non plus à la dangereuse mode, si commune aujour- d'hui, d'introduire le nom de Kant là où il n'a que faire.
Mais enfin vous avez pleinement raison de voir en Flaubert un artiste en beauté grammaticale. Vos remarques sur l'éternel impar-
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