À cinq ans je regardais des images. Elles évoquaient les guerres des Français entre 1792 et 1815, l'Épopée, comme on dit. Je tombais amoureux fou de hussards, de voltigeurs, de Napoléon. À sept ans je commençais à lire. Ma famille, pourtant pacifique, me donna les mémoires de Marbot, de Coignet. Halluciné, je chargeais sur mon cheval de bois un carré autrichien, un édredon. Puis je fus abonné au Journal des Voyages : le cycle des prouesses coloniales s'ajouta au cycle impérial.
À quatorze ans, quand j'ouvris Paul Adam, j'étais intoxiqué d'aventures historiques et géographiques comme don Quichote de tout le roman du Moyen-Age. Je retrouvais dans Basile et Sophia, la Force, la Ville Inconnue, le Trust, mes héros, ma frénésie. Paul Adam célébrait mon culte familier : mon aïeul avait été compagnon de Roland, capitaine de grenadiers ; tel parent juché sur son méhari veillait aux confins soudanais.
Il aura été élevé à la fin du XIXe siècle, au début du XXe siècle, un puissant monument. Dans son ordre il fait pendant à celui que dressèrent les poètes anonymes du XIIe siècle quand ils écrivirent les chansons de geste, ces guides historiques à l'usage des touristes, des pèlerins.
Barrès, Péguy, Maurras ont chanté la geste française du XIXe siècle, l'aventure spirituelle d'un peuple à travers les champs de bataille du monde entier, les combats de rue de 1830, 48, 71, la grande querelle Dreyfus, la prodigieuse Renaissance amorcée à l'extrême fin du siècle. Certes leur œuvre raconte moins qu'elle n'évoque