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NOTES 619

rhétorique tant usé de la ballade de Villon, est une grande chose vulgaire et sublime à la fois :

Where is that boy, that heaven-born Bryan,

That Horaer Bi^jan, who sang from the West ?

Gone to join the shadows ivith Aitgeld the Eagle.

Where the King and the slaves and the troubadours rest.

je ne sais pas qui a pu être •• Aitgeld l'Aigle », et je n'ai que des notions très vagues en ce qui concerne Bryan (Bryan 1 Bryan ! Bryan !) mais je ne vais pas chei*cher dans une encyclopédie ce qu'il y a derrière ces noms. Il me suffit qu'ils soient sonnores et bien à leur place dans ces phrases dont le rythme nous donne envie de marcher dans un cortège, derrière uije musique enragée. La tendance de presque tous i< s écrivains contemporains est d'écrire pour l'oreille intérieure, et la prose, le meilleur de la prose qui s'écrit maintenant, s'adresse uniquement à l'oreille iiitérieure. Vachel Linsay base toute sa poétique sur les intonations de la voix ; d'où sou usage fréquent des répétitions, des allitérations et des changements de rythme.

Après qu'on s'est bien tonifié les nerfs en récitant jusqu'à satiété des strophes de William Boot et de Bryan (en marchant à grands pas sur une route) on se demande : Qu'aurait pensé le vieux Whitman s'il avait pu voir cette poésie, auprès de laquelle la sienne paraît académique et pompeuse? Peut-être qu'après avoir un peu froncé le sourcil, il aurait dit en souriant : « Oui, après tout, voilà mon successeur ».

VALERY LARBAUD

��LE MOUVEMENT DES ESPRITS EN CATALOGNE.

Depuis quelques années, nous sommes devenus habiles à discerner toutes sortes de nuances nationales. Nous savons qu'il serait grave de confondre les Esthoniens et les Lettons, ou de prêter à l'Ukraine des façons de sentir proprement moldo-valaques. Tant mieux. Mais peut- être devrions-nous accorder à des voisins, à de sûrs amis, une attention aussi fine, un regard aussi délicat. Or qui, parmi nous, se forme une idée convenable de la Catalogne et de son originalité ? Nous avons entendu parler des « troubles de Barcelone ». Nous n'ignorons pas qu'il existe un * séparatisme catalan ». Mais ces vagues notions politiques ne se relient à rien dans les^esprits. Au-delà des Pyrénées, il y a l'Espagne ; et si des gens s'agitent à Barcelone, c'est qu'on trouve partout des gens de mauvaise humeur.

Mon dessein n'est pas d'appeler les réflexions ni même la sympathie des lecteurs sur la situation spécialement iso^ifiç-îte de la Catalogne. Les Français ont mis beaucoup d'empressement, depuis un siècle, à décou-

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