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Page:NRF 14.djvu/708

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702 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

j'emmenai Katje et la dressai entre moi, le village et mille incidents médiocres et quotidiens au sujet des denrées nécessaires à notre vie.

L'amour de l'argent dominait toutes les traditions pouvant constituer une morale sociale. Katje la batelière me défendait contre la rapacité des ruraux. La période était assez troublante pour qu'on pût envisager dans un avenir rapproché l'usage des armes comme une néces- sité dans les relations commerciales entre concitoyens.

Dans ma maison, donnant sur une rivière romantique, je menais une vie saine partagée entre ma collaboration aux journaux et la chasse avec mes deux bassets : Nouni et Kasper.

Katje chantait d'une voix rauque, aiguë, extraordinai- rement fausse. Ce n'était pas désagréable. La voix guttu- rale de ma servante, je n'ai jamais su pourquoi, me donnait une pleine sensation de confort.

Mes deux bassets n'aimaient guère Katje. Nouni la regardait effrontément de loin. 11 attendait qu'elle s'éloi- gnât de la porte pour entrer précipitamment comme une flèche. Quand elle appelait Kasper, mon chien se cachait sous les armoires, sans se baisser d'ailleurs.

Katje donnait du pain aux oiseaux. J'ai vu pendant longtemps que ce geste déplaisait à mes chiens, car je savais que les oiseaux les écœuraient profondément.

Cependant ma servante n'était pas rude pour les bêtes. Elle s'ingéniait à faire des avances à mes deux chiens courants. Elle les appelait de sa voix gutturale en leur infligeant des noms d'amitié ridicules et puérils.

Or, Nouni et Kasper répondaient en grognant, j'ai toujours vécu avec les chiens et je sais, avec certitude,

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