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760 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

tout le premier à le défendre contre ceux qui l'oublient un peu trop délibérément. Mais je considère que ce n'est qu'un temps dans l'éla- boration d'un ouvrage et dans la formation d'un talent. Pour tout dire, il m'est impossible de ne pas sentir la distance qu'il y a entre un Vélazquez et par exemple un Titien, ou un Poussin, ou même un Véronèse. J'arrivais à Madrid un peu en froid avec l'école véni- tienne, tout ivre du quattrocento florentin qui, avec des moyens réduits, porte l'esprit aussi haut que puisse l'art humain. Vélaz- quez eut tôt fait de me réconcilier avec elle et nulle part les Vénitiens ne m'émurent autant qu'au Prado. Je recherchai alors pourquoi et, sous l'amour éperdu de la peinture pour la peinture, qui leur est commun avec Vélazquez, je découvris ce qu'il n'a pas, ce qu'il ne se soucie aucunement d'avoir, cette volonté de transpo- sition qui fait qu'un tableau est un tout; non pas seulement un morceau brillant de peinture, non pas seulement l'image plus ou moins approchée de la réalité, mais un système clos de couleurs et de formes qui ébranle en nous la pensée aussi bien que la vision — et notez que je mets à part toute émotion littéraire ou psycholo- gique. Aussi bien, Vélazquez, rompant avec une esthétique qui par Titien rejoint les Grecs, fondait peut-être l'école réaliste. C'est ce que je lui reprochais. Dans une formule saisissante, M. Bréal nous prévient que son peintre « en aucun cas et sur aucun sujet, ne vous dira rien de plus que ce que la lumière lui dit ». C'est exactement le cas de Monet. Et ainsi Vélazquez serait le précurseur des impres- sionistes comme des réalistes et aussi, d'autre part, des virtuoses du pinceau. Soit ! il est ce qu'il est. Admirons ce maître admirable, mais dans les limites exactes où il veut être admiré.

HENRI GHÉON

��FAUCONNET, THIESSON, MODIGLIANI

Notre saison picturale a été endeuillée par trois disparitions préma- turées. Ce fut d'abord Modigliani qui mourut à l'heure même où il intro- duisait, dans les trop câlines arabesques dont il se satisfaisait naguère, de l'accent et de la fermeté. Il laisse des portraits dont les attitudes,

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