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858 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

n'entraîne pas, mais retient et ramène. De plus, elle ne vise pas à un mouvement commun. La poésie a beau se faire solitaire, tous les hommes l'écoutent ensemble tou- jours. « La prose non ; car par sa structure elle offre mille chemins, et chacun s'y plaît à sa manière ; aussi fait-elle toujours silence et solitude ; comme une statue, que jamais deux hommes ne peuvent voir de même, au même moment. Aussi l'auteur semble écrire pour lui seul. »

Comme la prose tend par sa nature à changer de ton, à varier ses prises, sa beauté n'est pas complète ailleurs que dans le roman : l'Histoire, et mêrae la plus belle, manque de matière ; elle est toujours abstraite un peu, parce qu'elle adopte les motifs d'action que chacun avoue. Elle se distingue par ce genre de vérité qui -dépend des témoignages et en conserve toujours la forme. Bref, le confidentiel n'a pas de place dans l'his- toire. Or ce qui est romanesque, c'est la confidence, qu'aucun genre de témoignage ne peut appuyer, qui ne se prouve point, et qui, au rebours de la méthode his- torique, donne la réalité aux actions. La fiction propre au roman est que le lecteur n'ignore rien des pensées du personnage et des sentiments qui les accompagnent. Comment s'étonner qu'on y trouve toujours un centre de perspectives, un sujet pensant principal ? « Un roman n'est jamais un spectacle où tout serait objet agissant ou parlant; c'est toujours le tableau d'une vie intérieure, j'entends individuelle, et telle que chacun ne connaît naturellement que la sienne... Le thème de tout roman, c'est le conflit d'un personnage romanesque avec des choses et des hommes qu'il découvre en perspective à

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