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LE NÈGRE LÉONARD ET MAITRE JEAN MULLIN 877

dirigeait la rafle. Il vint tout de suite à ma table et sans hésiter me dit en excellent français :

— Avez-vous vos papiers ?

J'allais m'exécute r d'assez bonne grâce puisque j'avais commis la sottise de me fourrer' dans ce guêpier quand une impulsion irrésistible me contraignit à répondre :

— Crâne de Ploum.

— Permettez, permettez, fit l'Allemand.

— Je dis, répétais-je, sur le ton de la plus vive con- trariété^ que je suis Crâne de Ploum ! Crâne de Ploum... C'est clair. Je ne puis rien vous dire de plus.

Et cependant que ma voix débitait ces incohérences, je me reprochais avec amertume, mais intérieurement, la stupidité de ma conduite. Cette réponse impromptue équivalait à des ennuis.

Le civil me remit entre les mains des matelots de la police et nous descendîmes tous, tandis que les garçons de café éteignaient les lumières dans le bar.

Un camion automobile portant une mitrailleuse nous attendait. Il était conduit par un jeune homme blond vêtu d*un complet de soldat feldgrau et coiffé d'un chapeau mou de feutre noir.

Ces détails me sont toujours restés dans la mémoire.

Le camion démarra dans un bruit prétentieux de tous ses rouages. Debout, et mal équilibré sur le plancher tremblant de la voiture, je repris conscience de ma personnalité.

Je ne pouvais m'empécher de sourire en pensant que je n'étais pas ce personnage énigmatique et burlesque qu'une sotte réponse de ma part avait substitué à ma réelle identité.

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