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LE NÈGRE LÉONARD ET MAITRE JEAN MULLIN 885

les eaux avec des branches de noisetier, afin d'attirer la grêle sur les terres de leurs ennemis.

Le Grand Bouc promena sa corne lumineuse sur des jeux qui ne m'intéressaient plus. On présenta un nou- veau sorcier exerçant la profession de conseiller municipal au chef-lieu de canton.

Les scènes qui se déroulèrent devant mes yeux ne me semblèrent pas de la même qualité que les précédentes. Les sorciers et les sorcières étaient venus en moins grand nombre. La « Parisienne » de Châteauneuf-le-Fief, avec son bonnet de laine blanche ne se montra pas. Katje, toujours nue, allait de l'un à l'autre. Elle me donnait l'impression d'une jeune personne qui un jour d'orgie est déjà ivre — ce qui laisse admettre certaines excentri- cités — alors que le reste de là société en est encore à se surveiller avec méfiance et politesse.

Un jeune polisson promenant un crapaud attaché au bout d'une ficelle et qui sautillait comme un bouledogue impotent, vint rôder autour de moi assez prétentieuse- ment. Je lui allongeai les oreilles. Il disparut, remor- quant sa bête et hurlant avec exagération.

Devant présenter mes hommages à Mélanpyge, je m'ap- prochai de lui, le corps courbé en angle droit et le feutre roulé dans mes doigts. Le baiser donné, je pus apercevoir en me redressant le visage du Maître. Il était morne et las, d'une lassitude sans comparaison. Le Diable à cette minute prit l'aspect d'un vieux monsieur de province abruti par des boissons fortes et l'atmos- phère d'un cabaret de nuit, comme il en existait avant la guerre.

Il zézayait à la façon d'un gâteux distingué et s'effbr-

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