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154 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

soigneiiseiiiciit en dix ou vingt voliiincs, des polies plus doues d'hahilele que de poésie, des acteurs qui ne savent que réciter, des journalistes aux ordres comme aux gages de leur .journal, des fonctionnaires des Beaux- Arts qui venaient voir les heaux-arts fonctionner, tous ces gens qui n'ont que du métier, qui n'ont en vue que la réussite, qui sont liés eti- semble jHir toutes sortes d'intérêt?, qui se soutiennent mutuellement, se font une réclame réciproque, se prodiguent entre eux les éloges , se payent les uns les autres par un compliment, u>i article, un appui au un service, et pour qui le talent n'est rien s'il n'est en vue, s'il n'est à la mode du jour et s'il ne mène à quelque chose. Je regardais tout ce monde, ces gens sur bon nombre desquels je sais bien des histoires. Je jouissais du bel étalage qu'il formait, de la belle image qu'il offrait de la société. Quel air d'aise sur tous ces visages, quelle mine approbative, quel sou- rire satisfait .'Quels applaudissements chaleureux et empressés aux vieilles ficelles mises en jeu par l'auteur! L'amour de l'art les transportait tous I Voilà le théâtre qui leur plaît ! me disais-je. Voilà la littérature comme ils la comprennent ! Voilà l'art tel qu'ils l'entendent, le sentent, et beau- coup d'autres comme eux, l'art qu'ils soutiennent , propagent et défen- dent ! Un art où rien ne vit, rien )i'émeut, rien ne brille, sensibilité ou intelligence ! Un art d'adresse, de métier, de convenances , fait d'imi- tations, de conventions et de modèles ! Le monde va décidément de mal en pis. Nous sommes encore plus bêtes qu'en I()i4. Cette fameuse grande guerre du droit, qui a si bien mis tout de travers, a encore des résultats plus fâcheux qu'on ne croit : elle n'a pas tué les gens qu'il eut fallu. »

et de lui-même :

« Je n'ai jamais eu grand goût pour les légendes. Je suis un réaliste, n me faut des faits, des traits humains, des choses vraies, fe n'ai aucun don d'invention et je le goûte peu che:( le§ autres. Je n'ai jamais c'té tenté de lire un livre de Wells. C'est pour moi sans intérêt, fe donne volontiers tous les rotnans du monde pour un recueil d'anecdotes vraies. J'y ai cent fois plus de plaisir, de réflexions, de jotiissance intel- lectuelle. Voilà les hommes ! puis-je me dire, voilà la vie ! Ces gens qui racontent des histoires inventées de toutes pièces, avec tous leurs accessoires d'enjolivement, sont seulement pour prêter de l' dnie aux lecteurs qui n'en ont pas. Je suis un grand rêveur, pourtant ! J'ai passé, je passe la plus grande partie de ma vie à rêver. Mais je rêvais, je rêve sur des choses VI- aie s. Si je n'ai pas d'invention, j'aide l'imagination. Quand

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