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shakespeare : antoine et cléopatre
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nature à retenir votre colère et votre glaive, à ramener dans ses foyers toute cette ardente jeunesse sicilienne, que sinon vous condamnez à périr.

Pompée. — Seuls sénateurs de ce vaste univers, agents suprêmes des dieux, c'est à vous trois que je m'adresse. Puisque l'esprit de César aujourd'hui vous anime, ne vous étonnez point si l'esprit de mon père, par moi, s'oppose à vous et cherche à se venger. Dites pourquoi conspirait le pâle Cassius ? Et Brutus, le loyal Brutus, dites ce qui le fit, avec les autres conjurés, ensanglanter le Capitole ? Amoureux de la liberté de chacun, ceux-ci ne supportaient pas qu'au-dessus de tous s'élevât quelqu'un. Tu sais maintenant ce qui me fit équiper ces navires, Rome ingrate, qui dans l'oubli du grand Pompée...

Octave-César. — Prenez votre temps.

Antoine. — Renonce, ô Pompée, à nous faire peur avec tes voiles. Nous saurons te répondre sur mer. Quant à nos forces de terre, tu sais de quoi elles sont capables...

Pompée. — Je t'ai su capable, toi, de t'emparer de ma propre maison. Mais va, je te permets d'y demeurer, puisque semblable au coucou tu ne sais rien édifier toi-même.

Lépide. — Veuillez nous dire — car ceci nous écarte de la question — dans quel esprit vous avez accueilli les propositions que nous vous avons adressées.

Octave-César. — Toute la question est là.

Antoine. — Oh ! nous ne te pressons de rien accepter. Pèse bien le parti qu'il te sied de prendre.

Octave-César. — Et vers où vous entraînerait l'espoir d'une plus haute fortune.