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Page:NRF 15.djvu/187

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shakespeare : antoine et cléopatre
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Pompée. — Puis, avant de nous séparer, il faut nous régaler les uns les autres. Tirons au sort à qui traitera le premier.

Antoine. — Laissez-moi commencer, Messieurs.

Pompée. — Antoine, c'est le sort qui décide. Mais tôt ou tard, je crains bien que ta savante cuisine égyptienne ne l'emporte. Je me suis laissé dire que Jules César avait pris là-bas quelque embonpoint.

Antoine. — Vous vous êtes laissé dire bien des choses.

Pompée. — Je n'ai que de courtoises pensées.

Antoine. — Exprimées en courtoises paroles.

Pompée. — Je me suis donc laissé dire qu'un Sicilien du nom d'Apollodore avait apporté...

Enobarbus. — N'insistez pas : il l'a fait.

Pompée. — Fait quoi ?

Enobarbus. — Apporté sur ses épaules certaine reine d'Egypte enveloppée dans un tapis...

Pompée. — Eh ! mais je te reconnais à présent. Comment ça va-t-il, camarade ?

Enobarbus. — Pas mal ; et avec l'espoir de continuer ; quatre banquets en perspective...

Pompée. — Donne-moi la main. Quand j'aurais dû le plus te détester, je t'ai vu combattre et vrai ! j'ai envié ta valeur.

Enobarbus. — Seigneur, je ne peux pas dire que je vous aie jamais beaucoup aimé : mais je vous ai louangé en un temps où votre mérite valait bien dix fois mes louanges.

Pompée (à Antoine). — Laisse-le dire. Qu'il ait son parler franc. Messieurs, je vous invite à bord de ma