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 la nouvelle revue française

Enobarbus. — Pour moi, je suivrai encore, ô Antoine, ta fortune blessée, — bien que ce soit marcher contre le souffle de la raison.


SCÈNE IV
Alexandrie. — Le Palais de Cléopâtre.
ANTOINE et des SERVITEURS.

Antoine. — Arrêtez ! Le sol se dérobe sous mes pas ; il a honte de me porter. Approchez, mes amis. Je me suis trop attardé dans ce monde où j'ai perdu mon chemin pour toujours. Je possède un vaisseau chargé d'or ; prenez ; partagez-vous cet or et vite enfuyez-vous vers César.

Serviteur. — Fuir, jamais.

Antoine. — J'ai fui moi-même. J'ai donné ma désertion en exemple aux couards. Quittez-moi, mes amis. Je me suis engagé sur une route obscure où votre aide ne m'est plus d'aucun secours. Quittez ! Vous trouverez le trésor que j'ai dit, dans le port ; il est à vous. Oh ! je me suis lancé à la poursuite de ce qu'à présent je rougis de regarder. Mes cheveux même sont en révolte : les blancs reprochent aux bruns leur imprudence, les bruns aux blancs leur ineptie. — Mes amis, quittez-moi. J'écrirai à quelques amis pour faciliter votre route. Ne prenez pas cet air consterné, je vous prie ; ne protestez pas de vos regrets ; abandonnez celui qui s'abandonne ; mon désespoir vous donne un bon conseil : gagnez le rivage et prenez possession de la galère