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LE RETOUR DU SOLDAT 24 I

bataille pour vider une querelle où tous, eux et nous, avons oublié la nôtre.

Notre champ a été piétiné par les Armées.

Sur la terre, notre chair ne tient plus sa place. L'es- pace abandonné a été rempli par la chair produite par les mères d'autres contrées. Derrière nous dans chaque maison à la place de celui qui était mort ou de celui qui n'était pas né il y avait un étranger. Il était seul avec les femmes.

Nous nous sommes bien battus. Couverts de coups nous traînions encore au combat nos corps dont aucun plaisir n'est jamais venu à bout.

Il y a eu beaucoup de lâches parmi nous, mais le souffle d une vie millénaire regonflait sans cesse les poltrons et des héros vous regardaient avec les yeux de la Patrie.

Charleroi. La Marne.

Il faut que je sache. Il faut que nous sachions. C'est là que s'est nouée ma vie.

Je médite sur l'existence de la France et sur le sens du monde.

La France seule a-t-elle vaincu l'Allemagne au second choc, au mois de septembre ?

Si je peux répondre oui, alors je respire. Alors la chair plus subtile a vaincu la chair plus épaisse. Alors un homme en a battu deux et trois. Alors un homme a surmonté un supplice énorme et les gros canons et mille mitrailleuses comme le fléau des sauterelles n'ont pas prévalu contre sa pauvre peau.

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