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NOTES 325

la réalisation de Cromedeyre le Vieil est en ce sens un vrai chef-d'œuvre, je suis heureux de le dire en passant.

Pour en revenir à la représentation d'Antoine, le reproche principal que je ferai à cette vaste tentative, c'est d'avoir manqué de cohésion. Des décors d'un goût parfait et j'en félicite M. Drésa ; un absurde excès d'accessoires ; trop de musique, trop peu aussi (elle est de M. Florent Schmitt) : c'est-à-dire trop de grands morceaux symphoniques, pas assez de petits pour souder les tableaux entre eux ; je mets à part l'heureuse symphonie nautique qui est colorée, vigou- reuse et vraiment en situation. Quant à l'interprétation, étudiée et combinée jusque dans le moindre détail, elle ne serait pas loin de m'avoir paru excellente (dans les scènes romaines surtout) si le gouffre tétralogique de l'énorme Opéra ne la dévorait littéralement. M. de Max eut des mo- ments superbes ; M. Yoneî dessina nettement la juvénile et sèche figure d'Octave ; M. Bour fut de premier ordre dans Lépide ; nulle part, en somme, on ne sentit de « trous ». Mais tout ce bon et honnête travail était rapetissé, annulé par le cadre et trop souvent hélas ! perdu. L'interprète qui eut le plus à souffrir de ces conditions affreuses fut celle qui les avait faites. Madame Ida Rubinstein. On reconnut la <c bal- lerine » au jeu subtil et savamment concerté de son corps ; on s'étonna de retrouver « la récitante » toute guérie de son accent et en possession des moyens vocaux les plus rares. Mais quoiqu'elle semblât donner à chaque mot, à chaque geste, à chaque intention du texte et à chaque courbe du chant toute leur valeur et leur vénusté, quoique, dans le dé- tail, elle ne cessât pas de nous satisfaire, on eut l'impression que ces traits choisis et réglés n'arrivaient pas à dessiner précisément une figure. Quelque chose voulait sortir qui ne sortait pas : la Cléopâtre de Shakespeare. Etait-ce encore la faute de l'optique ? Sur une plus petite scène, l'art trop subtil et trop intelligent de l'interprète principale eût-il

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