TOUTES CHOSES ÉGALES d'aILLEURS... 357
avait un abîme entre nos lèvres réunies. Par moments je me sentais hostile, dur, avec la mâle envie de frapper cette fille trop clairvoyante dont les roueries m'agaçaient, dont les moqueries me blessaient, dont les provocations n'excitaient pas seulement mon désir mais aussi la haine noire de ma pudeur offensée. Bref le dialogue m'excé- dait, et le prétexte qui s'offrit (L*** voulait revenir sur le continent), fut accueilli comme un soulagement. Un jour, au lieu de prendre la voie lactée, je pris le vapeur à Douvres.
Quelques discussions avec L*** qui dégénérèrent en querelles, un voyage pendant lequel je pensai mourir, la certitude trouvée au cours de ma liaison dernière que l'art n'esi pas la fin de cette vie, un scandale qui se fit vers la même époque autour de mon nom, la publicité qu'on lui donna et la calomnie qui s'en empara, enfin mille causes plus offensantes les unes que les autres m'engagèrent à changer d'existence. Je résolus de donner un but différent à mes jours et de tourner mon activité vers le commerce et l'acquisition des richesses. Après avoir liquidé ce qui restait de mon passé, je me munis d'un lot de verroteries el je partis en Afrique orientale, dans l'intention de pratiquer la traite des nègres.
L'aisance que j'apportais à m'adapier à n'importe quelle manière de concevoir, l'absence de tous les liens qui enchaînent les Européens en exil, me mirent rapi- dement en lumière aux yeux des indigènes, peu accou- tumés de voir un blanc se soucier d'eux avec autant de clairvoyance, et à ceux des colons qui durent bientôt en passer par moi pour toute tractation avec les gens du pays. Il n'y eut plus un échange, une affaire que je n'y
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