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Page:NRF 15.djvu/377

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TOUTES CHOSES EGALES D AILLEURS... 37I

mots magiques qui feraient évanouir le charme. Avec angoisse je regarde autour de moi sans rien apprendre. Tout à coup une inscription me saute aux yeux. Je la lis tout haut : VÊTEMENTS TOUT FAITS ET SUR MESURE. Le sort est rompu, merci mon Dieu, je suis sauvé. Je n'ai pas cessé de me trouver dans le Passage où se complaît ma sensibilité. Seulement il fait nuit dans le monde et les magasins ont gagné la bataille de l'électricité contre le jour. Parce que je reviens d'un long voyage, je contemple le paysage avec des yeux d'étranger, sans bien comprendre sa signification ni me faire une idée nette du point de l'espace et du moment des siècles où je vis. Sans doute, à ma droite, à ma gauche, les mannequins des deux tailleurs, les corps qui animent ces habits visibles, n'en ont pas non plus notion. Leurs têtes, leurs jambes, leurs mains sont vrai- semblablement restées dans une autre époque. Je m'y transporte, et par un curieux renversement des valeurs je n'aperçois plus autour de moi que des mains, des jambes, des tètes, des chapeaux, des gants, des pantalons démodés. Mais quel style adoptent donc ces êtres fragmentaires ? Aux gibus, aux escarpins, je reconnais le Second Empire. Je suis entre deux haies de boursiers et gandins : l'un en habit de nankin bleu barbeau revient de conduire en tilbury dans l'Allée de l'Impératrice; l'autre, les favoris à l'autrichienne, cravaté jusqu'au menton, la serviette de chagrin sous le bras, siffle un quadrille que ses pieds scandent déjà ; celui-ci est un milord ; ce qua- trième porte un pantalon collant cuisse de nymphe émue, un gilet de velours et des bagues à tous les doigts ; on reconnaît à la presse qui l'entoure que ce beau merle-ci

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