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shakespeare : antoine et cléopatre
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SCÈNE II
Intérieur du tombeau.
CLÉOPATRE — CHARMION et IRAS

Cléopatre. — Mon désespoir fait place à un état meilleur. Quelle dérision qu'être César. Il n'est que le laquais de la Fortune et celle-ci dispose de lui. L'acte qui dispose de soi et met un terme à tous les autres, cet acte seul est grand ; qui garrotte les accidents, muselle les vicissitudes, qui délivre enfin le sommeil et fait perdre goût à la fange dont se nourrit également le mendiant et l'empereur.

(A la porte du monument se présentent Proculéius, Gallus et des soldats.)

Proculéius. — César envoie ses compliments à la Reine d'Egypte. Il souhaite de savoir quelles requêtes elle voudrait lui adresser.

Cléopatre. — Quel est ton nom ?

Proculéius. — Proculéius.

Cléopatre. — Oui, je sais par Antoine que l'on peut se fier à toi. Mais celui qui n'attend plus rien n'a plus à craindre d'être trompé. S'il plaît à ton maître de voir mendier une reine, dis-lui qu'une Reine décemment ne peut demander moins qu'une couronne. S'il lui plaît d'accorder à mon fils l'Egypte conquise, il me redonne assez pour que je le remercie à genoux.

Proculéius. — Ne perdez pas courage : vous tombez en de généreuses mains. Soyez sans crainte. Livrez-vous