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456 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

mord la queue. Si « comme dit le poète » est une de nos locutions courantes, c'est que par elle nous témoignons à chaque instant notre hâte d'en finir avec la partie adverse en o:ao:nant l'observatoire d'où l'on voit « un ans^e descendre, les ailes frémissantes, du temps étoile ».

Le romantisme a donné prise à une réaction qui dure encore et expose nombre d'œuvres présentes et futures à une condamnation sommaire. On tienc absolument à exter- miner les Indiens Sioux qui, pour les hommes d'une autre race, ne sont guère reconnaissables qu'à leurs plumes. Je pense qu'il n'est rien d'insignifiant pour la critique. On raconte que Turenne s'évanouissait à la vue d'une souris. Le pouvoir de cette souris, qui n'est pas négligeable, ne suffit pas à expliquer le génie de Turenne. 11 en va de même, selon moi, du clair de lune et du poison romantiques. Bien- tôt les sources du lyrisme moderne : les machines, le jour- nal quotidien, pourront à leur tour être considérées sans émotion. La faillite d'une des plus belles découvertes poé- tiques de notre époque, celle de l'hystérie, devrait nous mettre en garde contre une fâcheuse tendance à généraliser. On sait aujourd'hui qu'il n'y a pas d' « état piental hysté- rique » et je suis bien près de croire qu'il n'y a pas non plus d'état mental romantique. Charcot n'avait pas compté avec le don de simulation de ses sujets. N'oublions pas que, les uns et les autres, nous suivons une mode qui change toutes les saisons.

Gaspard de la Nuit ne peut être retenu que comme une date dans l'histoire de la littérature. A sa manière il donne à penser qu'il n'existe pas de condition morale de la beauté. Avec lui on commence à s'intéresser à autre chose qu'aux courses d'obstacles. Il est inadmissible que le langage triom- phe insolemment de difficultés voulues (prosodie), que l'ambition du poète se borne à savoir danser dans l'obscurité parmi des poignardsct des bouteilles. Le vœu de Baudelaire :

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