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LES PINCENGRAIN 553

La même nuit, Robert meurt.

Le lendemain, tout le monde respectueusement se tiendra le long de la route de Reims, à l'arrivée de Madame Pincengrain. On sait qu'elle l'aimait tant.

Chacun veut voir son chagrin entre les bras des Mères Chrétiennes, de Maman Lecœur. Tout le monde vit une statue qui marchait toute seule dans le chemin.

XVIII

Madame Pincengrain a repris sa place au comptoir dans la toute petite maison de bois habituelle, grande comme un reliquaire ou la niche d'une sainte.

Son masque s'est creusé, émacié, terni. Elle ne pleure pas. Il ne faudrait pas qu'elle pleure. Elle n'en a pas le désir non plus. Elle aime cette solitude qu'on lui a faite, trouve de la douceur à sa prison, parce qu'elle y voit une apparence de sépulcre. L'enfant mort y est toujours étendu froid sur ses genoux. Elle méprise constamment l'or qu'elle touche, puisqu'il ne pourrait pas l'empêcher de se souvenir ni d'être seule. Elle tremble seulement que sa douleur, où elle est enfermée, ne la rende orgueilleuse et insensible. Elle évite de faire le moindre mouvement qui ne serait pas indispensable, — pour ne pas déranger le Mort, — et se demande si elle pense encore à ses filles.

Un papillon vient-il s'égarer dans l'épicerie, elle sait qu'il vient de la forêt de son père. Elle se souvient d'avoir été vive comme lui.

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