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Page:NRF 15.djvu/579

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LES PINCENGRAIN 573

l'aime plus que tout au monde sans le savoir, fait tout ce qu'il faut constamment davantage, pour lui être le plus séduisante. Elle commence par se souvenir de Dieu et paraître oublier Godeau, ce qui est la perfection. Elle trouve Dieu en Godeau. Godeau trouve Dieu en elle. Ils sont ravis l'un dans l'autre, quand ils paraissent l'un de l'autre se détourner.

Véronique, qui n'avait su garder rien de sensible dans la conception de sa justice, est désemparée, quand il lui arrive d'aimer Godeau et d'être contrainte à réaliser la perfection pour lui devenir aimable. On ne peut aimer Godeau et rester parfaite. Véronique ne connaît pas le subterfuge de l'amour de Dieu, pour échapper au dilemne.

Eliane et Godeau parlent de Béthanie, et Godeau, comme à une Madeleine inconvertie, prêche à Véronique que Dieu vaut mieux que Godeau. Il essaie de le prou- ver. Véronique ne voit que Godeau. Le sentiment de sa propre imperfection devant la perfection de Godeau fait qu'elle cherche une place près de ses pieds.

Bientôt, elle est humiliée devant Godichon lui-même, par l'excès de sa passion pour Godeau. Elle soutenait à Godichon que le bien existe dans le monde ; il ne vou- lait le reconnaître qu'en elle ; voilà qu'elle ne peut plus soutenir le bien dans le seul refuge qu'il s'était gardé sur la terre. La conscience de cette obligation morale et d'orgueil qu'elle a contractée en face de Godichon la retient dans un devoir qu'elle ne se connaît plus. La peur même de voir Godeau s'éloigner d'elle lui donne l'héroïsme honteux de paraître mystique, — alors qu'elle ne peut l'être, — ou de la première hypocrisie.

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