57^ LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
« Je veux être religieuse. Mère m'a permis. Je par- tirai, si tu le permets toi-même. »
Véronique sentit son cœur battre affreusement. Elle pensait :
« Enfin,, je vais être seule avec Monsieur Godeau. » Eliane était toujours entre eux et Godeau la préférait pour sa perfection et sa jeunesse.
Véronique répondit à Eliane : « Il ne m'est pas loisible d'entraver une vocation. »
Eliane crut que sa sœur inconsolable pleurait, et pleura toute seule.
Prisca eut une pensée de vanité, à la nouvelle de cette résolution d'Eliane : « Pouvoir parler à ses amants de sa sœur Eliane qui est entrée en religion. »
Godeau éprouva un sentiment d'orgueil. Il comprit que cette jeune fille allait sacrifier, — pour lui prouver qu'il avait été à ce point persuasif et séduisant dans le spirituel, — toutes les joies inestimables, matérielles, auxquelles il se proposait bien de revenir lui-même, sans tarder.
III
Madame Pincengrain seule vit avec un peu de colère Monsieur Godeau se pervertir. — « Puisqu'il en épou- serait quelqu'une, il aurait pu choisir Eliane... Il en avait fait l'épouse de Dieu, c'était toujours cela. »
Madame Pincengrain restait surtout déçue, parce qu'elle avait cru longtemps trouver en Godeau quel- qu'un qui fût parfait. Elle sentait bien que, depuis l'avè- nement de Godichon, son âme s'était dégradée, que
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