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NOTES 641

donc de l'absinthe, comme le conseille Soffici, et qu'ils s'abandonnent ensuite à ces longues effusions sentimentales, où l'homme s'étale à nu, s'anatomise inlassablement, qu'ils se montrent un peu tels qu'ils sont, au lieu d'imiter Machiavel et de vêtir l'habit de cour avant d'écrire. Entre autres défauts, la littérature italienne d'aujourd'hui a en effet celui d'être mortellement ennuyeuse. Les humoristes eux- mêmes sont ennuyeux, et le plus célèbre d'entre eux, Alfred Panzini, qu'on voudrait faire passer pour un Anatole France plus pointu, est celui qui emporte la palme.

Pour (< passer un bon moment », il n'y a qu'une ressource, c'est d'aborder les contemporains qui écrivent en dialecte. Les sonnets pi-sans de Renato Fucini, les poèmes napolitains de Salvat'ore di Giacomo, les épopées burlesques en romain de Pascarella ou les fables de Trilussa, voilà d'authentiques chefs- d'œuvre. Toute la spontanéité, toute la verve, tout le lyrisme italien semblent s'être réfugiés dans la littérature dialectale.

Nous touchons sans doute là au nœud même du problème. L'outillage littéraire italien est défectueux.

L'outil qui fait encore défaut aux Italiens et que seul un véritable romantisme aurait pu leur donner : c'estune langue. Nous qui en possédons une admirablement mise au point il y a trois siècles, réglée à nouveau tous les cinquante ans par un ou deux grands écrivains (ces « lexiques en désordre » selon le mot de Cocteau), nous ne soupçonnons pas l'effort supplémentaire — et vain le plus souvent — qu'exige d'un auteur la création de son vocabulaire.

Ce problème de la langue est si important que la plupart des grandes querelles littéraires italiennes ont été provoquées par lui et que de Dante à Carducci, en passant par Manzoni et Leopardi, il n'est pas un grand écrivain qui n'ait eu sa théorie de la langue. Combien d'auteurs de second plan qui avaient quelque chose à dire n'ont pu que le bégayer ou le déclamer.

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