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VIE DE GUILLAUME APOLLINAIRE 677

cause qu'à la suite de la guerre, dans la pensée de ceux qui la souffrent, vient immanquablement la peste.

Guillaume Apollinaire, si pâle sur l'oreiller blanc dominé par le képi neuf de lieutenant, rouge, noir et or comme un coq français.

Guillaume livide, avec la tache rose-rouge de la double blessure à ton front.

Quelques-uns de ceux qui, ce dimanche-là, se retrou- vèrent dans le petit appartement du boulevard Saint - Germain, glacés, serrant les mâchoires, devraient se réunir pour évoquer, pour réveiller, pour remuer ensemble tant de riche cendre. De leurs souvenirs asso- ciés, des affirmations éprouvées de ces témoins sachant trop l'immensité de la perte, on pourrait peut-être com- poser un hommage qui fût un jugement, équitable.

Nous revînmes le lendemain, le lundi 1 1 novembre, quand tonnaient les vieux canons des Invalides, quand sonnaient toutes les cloches parisiennes ; celles de Saint- Thomas d'Aquin où s'était marié Guillaume, celles de Saint-Merr\^ dont il avait chanté le musicien. Et des bandes descendaient le boulevard en hurlant : « Cotis- piiei, Guillaume .'... Co)ispuc\, Guillaume, conspue:^ ! »... Epouvante ! Que nous étions près l'un de l'autre, Max Jacob, nous que joies et malheurs avaient tant appro- chés !

Nous prîmes notre repas au premier étage d'un café du boulevard Saint-Germain. Des Saint-Cyriens casqués défilèrent avec des drapeaux, et en chantant. Nous fûmes à la fenêtre saluer ces jeunes soldats qui n'iraient pas à la guerre, qui ne mourraient pasd'elleet sans doute, d'en bas, nous prirent-ils pour de très joyeux drilles, à nous voir.

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