Page:NRF 15.djvu/70

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

64 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

adoucie par l'eau et la verdure, fondue dans la brume subtile où toutes les formes apparaissaient et disparais- saient soudainement avec quelque chose comme ce geste : le doigt sur les lèvres.

« Oui, » songeait Marc, « autrefois le quartier des gens de lettres, et maintenant celui des peintres : ce qui explique la rencontre, çà et là, d'un groupe de modèles : des enfants brunes à grandes boucles d'oreilles rondes sous la coiffe blanche ouverte comme un livre... Mais qu'est-ce qui peut expliquer ce silence, et ces douces présences invisibles, et cette calme pantomime des rues qui font semblant d'être désertes, sinon... »

A ce moment, les Fées parurent. Il y eut un faible bruit de grelots, de rires et de tambourins, et deux chars pleins de petits personnages costumés s'arrêtèrent devant une porte, de l'autre côté de la rue, en face du quai.

A Tentour, rien ne s'étonna, et l'après-midi de ce samedi soir de mai continua sa vie pensive, aussi indiffé- rente à l'arrivée des Fées qu'elle l'avait été, quelques heures plus tôt, à la cessation du travail de la semaine, ce cataclysme qui emportait des millions d'êtres humains, fuyant le travail, loin du centre de la ville. Et Marc vit que les Fées, pour se montrer au grand jour de la rue, s'étaient déguisées en personnages de la Comédie italienne. Arlequin fut le premier à descendre du char, et Colombine, pesant, l'espace d'une seconde, sur sa main levée, sauta à pieds-joints du marchepied sur le trottoir. Les autres suivirent, et celle qui des- cendit la dernière fut une petite Folie blanche et bleue en masque de satin blanc qui s'avança jusqu'à l'extré-

�� �