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Page:NRF 15.djvu/72

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6G LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

grelots de sa jupe. Elle jeta son masque et sa marotte sur le divan que Marc venait de quitter, et après que M™ Crosland l'eut embrassée, elle vint à Marc, la main tendue :

— Comment allez-vous ?

Et Marc Fournier, qui allait avoir vingt-cinq ans, éprouva un léger mécontentement de lui-même en constatant que, malgré ce qu'il appelait son expérience, il n'avait pas appris à dissimuler son émoi et sa confu- sion lorsqu'il se trouvait en présence d'une très jolie fille. Il souhaita même d'arriver à ne plus éprouver cet émoi.

Mais lorsqu'il se vit assis entre l'éblouissante appari- tion et la femme qui ne lui refusait rien, et qu'il songea qu'après tout l'éblouissante apparition n'était que la fille de cette femme, son sang-froid et sa lucidité lui revin- rent, et il se mit à parler, sans se préoccuper de son accent étranger, et seulement attentif à ne pas appeler M""^ Crosland, devant sa fille, « Edith » tout court. Et bientôt, en réponse à une question de lui, la Fée se mit à raconter comment elle s'était déguisée, et la hâte avec laquelle il avait fallu découdre, puis recoudre, pour, ajuster le costume trop étroit. Elle riait, et par instants sa voix montait plus haut qu'elle n'aurait voulu. Mais ses gestes, tandis qu'elle coupait les tartines et les por- tait à sa bouche, restaient calmes. La blancheur vivante de ses mains et de ses bras contrastait avec la blancheur dure de la nappe ; mais les deux blancheurs paraissaient faites l'une pour l'autre, et de toute la personne de Qucenie se dégageait une impression de vie saine, délicate et propre. Elle était aussi douce, polie et pure

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