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SI LE GRAIN NE MEURT... 7)1

Je dis « nous » car presque aussitôt j'avais fait corps avec mes corréligionnaires, enfants de ceux que fréquen- taient mon oncle et ma tante, et auprès de qui j'avais été introduit. Il y avait là des W***, des L***, des C***, des B***, parents les uns des autres et des plus accueil- lants. Tous n'étaient pas dans ma classe, mais on se retrouvait à la sortie.

Les deux fils du docteur L*** étaient ceux avec qui je frayais le plus. Ils étaient de naturel ouvert, franc, un peu taquin, mais foncièrement honnête ; malgré quoi je n'éprouvais qu'un médiocre plaisir à me trouver avec eux, Je ne sais quoi de positif dans leurs propos, de déluré dans leur allure, me rencognait dans ma timidité, qui s'était entre temps beaucoup accrue. Je devenais triste, maussade et ne fréquentais mes camarades que parce que je ne pouvais faire autrement. Leurs jeux étaient bruyants autant que les miens eussent été calmes et je me sentais pacifique autant qu'ils se montraient belliqueux. Non contents des tripotées au sortir des classes, ils ne par- laient que de canons, de poudre et de « pois fulminants ». C'était une invention que nous ne connaissions heureu- sement pas à Paris : un peu de fulminate, un peu de fin gravier ou de sable, le tout enveloppé dans un papier à papillotes, et cela pétait ferme quand ofi le lançait sur le trottoir entre les jambes d'un passant. Aux premiers pois que les fils L*** me donnèrent, je n'eus rien de plus pressé que de les noyer dans ma cuvette, sitôt rentré dans notre infect appartement. L'argent de poche qu'ils pouvaient avoir passait en achats de poudre dont ils bourraient jusqu'à la gueule des petits canons de cuivre eu d'acier qu'on venait de leur donner pour leurs étrennes et qui

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