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SI LE GRAIK NE MEURT... 819

avant de déménager : je m'étais fait donner pour mes étrennes le gros livre de chimie de Troost : ce fut ma tante Lucile qui me l'offrit ; ma tante Claire, à qui je l'avais d'abord demandé, trouvait ridicule de me faire cadeau d'un livre de classe ; mais je criai si fort qu'au- cun autre livre ne pouvait me fiiire plus de plaisir, que ma tante Lucile accéda. Elle avait ce bon esprit de s'inquiéter, pour me contenter, de mes goûts plus que des siens propres, et c'est à elle que je dus également, quelques années plus tard, la collection des Lundis de Sainte-Beuve, puis la Comédie Humaine de Balzac... Mais je' reviens à la chimie.

Je n'avais encore que treize ans, mais je proteste qu'aucun étudiant jamais ne plongea dans ce livre avec plus d'avidité que je ne fis. Il va sans dire, toutefois, qu'une partie de l'intérêt que je prenais à cette lecture pendait aux expériences que je me proposais de tenter. Ma mère consentait à ce que cette office y servît, qui se trouvait à l'extrémité de notre appartement de la rue de Tournon, à côté de ma chambre, et où j'élevais des cochons de Barbarie. C'est là que j'installai un petit fourneau à alcool, des matras et des appareils. J'admire encore que ma mère m'ait laissé faire ; soit qu'elle ne se rendît pas nettement compte des risques que couraient les murs, le plancher et moi-même, ou peut-être estimant qu'il valait la peine de les courir s'il devait en sortir pour moi quelque profit, elle mita ma disposition, heb- domadairement, une somme assez ronde que j'allais aussitôt dépenser place de la Sorbonne ou rue de l'An- cienne Comédie en cornues, éprouvettes, sels, métal- loïdes et métaux — acides enfin, dont certains je

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