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BEAUTE, MON BEAU SOUCI 79

est en face de l'hôtel de ville de Chelsea, et alors vous verrez que je n'ai rien à vous envier. Et même elles se ressemblent un peu. Si nous nous rencontrons, comme je l'ai dit, ce soir, nous ferons comme si nous igno- rions même notre existence ; mais elles, nos dames, se regarderont : deux femmes, chacune escortée du respect et de la tendresse d'un homme, chacune exerçant une douce puissance sur la vie d'un homme, et toutes deux aimées et servies, connaissant les mêmes Joies et initiées aux mêmes mystères. Peut-être même feront-elles une comparaison de vous et de moi ; mais, que tout soit damné ! j'ose dire que je ne crains pas cette comparai- son. » Et voilà où en était Marc : à cette bourgade du Tendre qui s'appelle Possession-Paisible.

Mais depuis ces deux ou trois derniers dimanches d'été, une nouvelle pensée tendait à supplanter en lui, pendant ses retours au logis, la pensée d'Edith. Il y avait maintenant au monde un nom merveilleux : Queenie. Pourquoi certains noms sont-ils si beaux ? Qui expliquera ce charme qu'il y a en eux, qui fait qu'on ne se lasse pas de les dire quand on est seul, et de se les redire en esprit quand on est dans la foule, et qui nous oblige même quelquefois à les écrire, aux marges d'un carnet, ou sur les pages d'un calendrier, avec beaucoup de soin, en séparant les lettres, et simple- ment pour les regarder ? Marc se répétait donc « Quee- nie » à travers tous Içs bruits de Londres, et il pouvait à peine croire qu'il avait eu le bonheur de dire ce nom à celle qui était Queenie, et qu'il aurait encore le bonheur de le lui dire. Comme il se sentait supérieur à tous

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