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NAUFRAGE DE LA « VILLE DE, SAINT-NAZAIRE » 3OÏ

n'apercevait que la lueur vacillante. La façade elle-même était illuminée de quelques points dont on n'apercevait que les lueurs vagues.

Tout à coup, tout disparaissait, puis reparaissait pres- que instantanément. C'étaient les hallucinations qui com- mençaient. Je m'expliquais très bien la cause de cette pre- mière ; la voici : c'était tout simplement un banc de brume dont les couches étaient plus ou moins éclairées par les étoiles, très brillantes à ce moment, et qui don- naient l'illusion de lampions suspendus. Les rayons lumi- neux traversant les couches de brume en sens divers, formaient des parties sombres et des parties éclairées ; les parties sombres représentaient les branches d'arbres. Plu- sieurs de mes compagnons eurent peur de cette vision et crurent que c'était d'un mauvais augure pour notre sauve- tage. Je les rassurai de mon mieux en leur donnant l'expli- cation que je viens de décrire ici et qui est certainement la meilleure. Leur frayeur parut alors se dissiper, et comme le temps était toujours calme, ils se couchèrent dans le fond de l'embarcation. Ne voulant laisser à personne le soin de veiller, je restai assis sur la banquette pour attendre moi-même les événements, de façon à pouvoir profiter immédiatement d'une éclaircle s'il s'en produisait une. Mais comme j'étais exténué d'avoir tenu depuis la veille l'aviron qui me servait de gouvernail, je m'en- dormis appuyé sur cet aviron. J'estime qu'il y avait environ une demi-heure que je sommeillais ainsi, quand tout à coup je fus réveillé par le bruit du vent et de la mer. Après avoir secoué la torpeur causée par le sommeil, j'observai le ciel et l'horizon, afin de m'orienter, et de reconnaître la direction de cette brise intempestive qui ronflait si fort en soulevant les vagues. Je reconnus de suite, par la position de la polaire, que le vent soufflait de rOuest, de toutes les directions, la plus défavorable à notre route. En faisant cette constatation, j'eus un moment d'abattement dont aucun de mes compagnons heureuse-

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