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NAUFRAGE DE LA « VILLE DE SAINT-NAZAIRE » 3^3

faible, se mourait sur pied, en attendant mon retour qu'elle devait juger presque impossible, et cela ne me lais- sait aucun repos. Aussi puis-je dire qu'après les deux pre- miers jours qui suivirent mon sauvetage, je ne dormis plus ; mon cerveau travaillait sans cesse et ne me laissait pas le plus petit répit ; sans cesse je voyais ma femme devenir folle de désespoir. Aussi combien je déplorais la lenteur du Maroa (lenteur qui, à un autre point de vue, était pourtant cause de mon sauvetage) ! Mais je pensais que cette lenteur ne me permettrait pas de longtemps d'annoncer que j'étais vivant. Et en effet ma femme ne l'apprit que 14 jours après qu'elle eut été informée de mon naufrage. Il est épouvan- table de rester 14 jours dans une incertitude aussi grande et je n'hésite pas à dire qu'elle a dû souffrir beaucoup plus que moi !

Le Maroa, peu favorisé par le temps, avançait lentement ; mes compagnons et moi comptions les heures une à une, en faisant mille conjectures sur le sort des autres canots. Seraient-ils sauvés plus tôt ou plus tard que nous ? Le seraient-ils même ? Leurs passagers auraient-ils à subir comme nous les horreurs de la faim, de la soif, du froid, de la folie ? Telles étaient les questions que nous nous posions à chaque instant pour tromper la lenteur du temps, et ce sujet de conversation revenait sans cesse sur le tapis, car notre imagination, encore imprégnée des maux que nous avions soufferts pendant ces cinq tristes journées, ne nous permettait pas de penser à autre chose.

Grâce aux bons soins du Capitaine Adams, notre santé qui avait été ébranlée par les souffrances et les privations, se rétablissait tout doucement. Les jambes seules étaient toujours faibles, mais la circulation du sang revenait peu à peu et nous n'avions qu'un désir, celui d'être devant le Cap Lizard le plus tôt possible, pour apprendre à nos familles que nous étions sains et saufs.

Ce fut le.... mars que nous aperçûmes les Scilly ; cinq heures après nous étions au Cap Lizard. Avant

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