L ERMITE 33
En me berçant des liquides soupirs
Qu'un rossignol que l'on croirait mourir
Mêle au silence où pleure la fontaine.
Me nourrissant de racine et de faîne.
Vêtu d'écorce et de grossière laine.
Je construirai ma cabane sereine
Avec l'argile et la branche de chêne
Dans ce vallon où l'Amour vrai m'entraîne.
C'est fait. J'habite avec l'Amour, ici,
Et dans la joie est noyé mon souci.
Je suspendis mon cœur à cette mousse.
Il est éclos et ses ailes le poussent
A voleter parmi les grimpereaux,
A se baigner avec eux au ruisseau,
A sautiller sur le dos du troupeau,
A gazouiller aux cimes de l'ormeau.
Par le chemin couleur de la pervenche
Où le beau temps qui suit son cours s'épanche.
Tous les matins, mon rosaire à la hanche,
Je redescends vers la chapelle blanche.
Car chaque jour n'est pour moi qu'un Dimanche.
Or je dirai ce qui parfois m'advint
Depuis alors jusqu'en mil neuf cent vingt.
Un jour heurta ma hutte une diablesse
Oui voulut faire échec à ma sagesse :
Cheveux roulés comme on les porte en Grèce,
Et ces regards dont les pointes nous blessent.
Et cette voix dont Sirène caresse
Le voyageur qui dans la haute mer
En l'écoutant boit à l'amour amer.