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LETTRES AVEC COMMENTAIRES 393

Chaussées qui empêchent que vos charmants petits petons ne soient mouillés quand vous allez vous promener du côté de Port-Prijean. Vous voyez que je suis au courant de vos habitudes et qu'il y a longtemps que moi aussi je vous aime. Malheureusement je n'ai pas beaucoup la tête à l'amour et certainement j'aimerais mieux penser à vos jolis yeux changeants vert bleu qu'aux différentes espèces de dragage : le dragage à pelle simple, le dragage à treuil, le dragage à cuillère, le dragage à griffe, le dragage à grappin, à chapelet, sans parler des dragues à aspiration (tout ça n'est jamais qu'une affaire de prix de revient). Je vous expli- querai tout cela un jour quand j'aurai passé mon concours. C'est un concours sérieux et avec messieurs les examina- teurs la cote d'amour ne compte pas beaucoup — permettez- moi cette plaisanterie. Vous me faites l'honneur de me donner rendez-vous pour demain soir derrière le kios- que. Hélas ! mademoiselle ! c'est ma vie que vous me demandez là ! car je travaille avec Léonce Dupuis tous les soirs et il faudrait lui dire pourquoi et ainsi de suite. Donc à l'heure où je pourrais serrer votre mignonne petite taille dans mes pectoraux j'étudierai l'origine des Bateaux pom- peurs dans le Pontzen qui est le meilleur ouvrage sur la matière.

« Vous me direz à ça : Vous avez une bonne place, êtes- vous si ambitieux de vouloir passer un concours encore ? Ah ! mademoiselle ! Paris ! Paris ! depuis que je connais la Ville Lumière, je ne vis plus dans ce trou-ci. Quelles dis- tractions intellectuelles avez-vous dans notre ville : est-ce ici que j'aurai les premières représentations où l'on voit tous les journalistes au grand complet d'un seul coup d'œil et les concerts suaves avec de jolies dames en décolleté (pas si jolies que vous sûrement, petite mignonne) et les cirques en pierre alors que nous n'avons que des cirques en toile et encore ! une fois par an ! et les salons où on parle d'art, et où on fait la connaissance des ministres pour vous pis- tonner ou vous décorer ou n'importe. Eh bien, oui ! j'adore

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