Page:NRF 16.djvu/422

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

41 6 ' LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

que le spiritisme intéresse et de lumières projetées sur les pro- blèmes qui se posent dès que l'on touche aux mystères de la mort et de l'au-delà.

C'est, en quelque sorte, un examen général de la question, dans cette forme alTcctionnce par Browning et souvent employée par lui du monologue dramatiijuc. Pour qui sait l'employer, forme avantageuse entre toutes : son pittoresque permet l'ex- tension du poème au delà des limites admises ; son unité facilite le va-et-vient d'une pensée active qui réfléchit sur un même sujet, s'en écarte, y revient, et se permet toutes les digressions sans que le lecteur s'égare. Le monologue étant confié à un homme dépourvu de tout scrupule, l'intérêt de ce débat unilatéral s'en trouve singulièrement accru : le vrai y alterne avec le faux suivant les besoins de la cause, le mal s'y mêle avec le bien quand cet avocat de sa propre honte n'y voit plus clair lui-même, et nous nous renseignons sur sa psycho- logie intime lorsque nous perdons le fil logique de son discours. Cela permet en outre de mêler aux plus hautes préoccupations le grotesque le plus courant, le plus vulgaire ou le plus inat- tendu : cet homme parle pour soi et comme il pense, il ne s'adresse pas à la galerie ; sincérité basse mais vraie qui frappait beaucoup Browning, qu'il relevait partout et dont nous-mêmes découvrons plus d'un exemple dans la littérature anglaise, spé- cialement au théâtre. De plus c'est une facilité pour envisager une question sous tous ses aspects, franchement et presque cyniquement, c'est un moyen de se servir des avantages de la scène en évitant ses inconvénients, c'était enfin une façon d'échapper à la terrible censure victorienne (n'oublions pas la date de Sludgc), à une époque où le lecteur anglais se choquait de la moindre atteinte à ses préjugés et n'eût jamais compris en quoi Robert Browning, qui n'était point poète lauréat, pouvait se croire autorisé à parler, à penser et à écrire autrement que dans les limites d'une règle reconnue et suivie par le plus grand nombre. — Il faut avouer, d'ailleurs, que Browning profitait de certaines licences dues à la réputation d'obscurité qu'il s'était faite et dont il ne se formalisait pas. Un auteur difficile a de ces avantages.

ANDRÉ GIDE, PAUL ALFASSA ET GILBERT DE VOISINS

�� �