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NOTES 507

ceux du « rokoko » c'est tout autre chose. Rococo, culture suprême, s'exclame M. Spengler. Signalons à ce sujet une étrange manie, qui règne dans certains milieux : la manie du rococo, qu'on identifie volontiers a l'esprit français. Ceux qui en sont atteints, prononçant le mot « rokoko » ont d'étranges sourires, et leurs jeux de physionomie font penser à des enfants, qui tout en suçant un bonbon verraient quelque chose de drôle. Je ne sais à quoi ils pensent dans ces moments là, mais je m'i- magine qu'ils rêvent d'une époque où il n'y aurait eu que mar- quis et marquises, dansant un éternel menuet, q'ui régulière- ment se terminait en orgie. Les Français, somme toute, n'avaient qu'à continuer. S'ils ont fait la révolution, c'est bien de leur faute. Décidément, M. Spengler ne les aime plus, depuis qu'ils se sont pris au sérieux ; et ayant cessé de plaire, ils seront sans emploi dans son univers.

Mais il y a autre chose qui risque un moment d'embarrasser M. Spengler : ce sont les Russes. Vous savez que c'est à l'es- prit prussien de faire, ou plutôt d'être, le socialisme. Or, avec les Russes on ne sait jamais, ce peuple venu de loin, pourrait se mêler de ce qui ne le regarde pas. Il faut donc les occuper à autre chose ; M. Spengler leur commande une religion, et les envoie a Jérusalem.

Ainsi, encore une fois, tout s'arrange. Les Prussiens font le socialisme, les Anglais le contraire, les Russes, une religion, et les Français : rien du tout.

Après tout, cela n'est peut-être qu'amusant. Mais dites-moi pourquoi dans lé pays où vécut Gœthe, dont le clair regard et la pensée toujours humaine n'embrassaient les vastes horizons, que pour mieux comprendre le sens du particulier et pouvoir rendre justice à toute chose, dites-moi pourquoi, dans le pays de Gœthe, il y a des esprits qui tantôt m'entraînant dans des nuages d'où la vue se perd en des fantasmagories sans forme, tantôt me ramenant dans leurs caveaux où j'étouffe, toujours injustes, toujours en deçà ou au delà de l'humaine vérité, sacrifient l'homme à l'idée et l'idée au préjugé du moment.

J'ai essayé de vous décrire le « morbus Spengler ». N'ayant

pas les mêmes raisons que M. Spengler de rechercher des effets

d'identité, je suis loin de vouloir identifier AL Spengler à sa

. maladie. Je rappellerai même pour ne laisser aucun doute à ce

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