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510 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Actuellement ni les auteurs, ni le public n'ont l'éducation visuelle nécessaire à ce mode nouveau d'expression. Les auteurs, habitués dès leur plus jeune âge à penser en mots, se trouvent, lorsqu'il leur faut réaliser cincgraphiqucment, dans la situation d'un Anglais traduisant en français sa pensée exprimée eu locutions anglaises. Quant au public, auquel les premiers cinégraphistes firent la concession des sous-titres, il ne vient pas encore dans les salles obscures en possession du vocabu- laire indispensable à la transmission de l'idée cincgraphiste.

Le jour où nos cinégraphistes sauront reconstituer en images un processus psychologique, la comédie de caractère sera possible sur

l'écran.

Dans la Ronda de Rome (décembre 1920), signé de Lorenzo Montano, un apologue sur la vertu du classicisme :

Un moine fort pieux, après avoir longuement médité sur les textes sacrés, en vint à une telle vénération du Verbe, dont, comme il est écrit, tout l'univers fut engendré, qu'il estimait une profanation l'usage irréfléchi que les hommes en font continuellement pour exprimer leurs besoins grossiers, sentiments profanes et vaines pensées. Pour honorer en quelque manière cette origine divine de toutes les choses créées, il résolut de ne plus parler et de passer le reste de sa vie dans la contem- plation et le silence. Et durant vingt années, le son de sa voix ne fut plus entendu de quiconque.

Au bout de quoi, il advint qu'éclata un incendie dans le couvent où il se trouvait, et, malgré tous les efforts, le feu se développa furieuse- ment, si bien que les moines désespérés ne pensèrent plus qu'à se mettre en sûreté. Quelques-uns d'entre eux pénétrèrent dans la cellule de leur compagnon qui, plongé dans sa méditation, ne s'apercevait de rien et ils l'exhortèrent à les suivre, s'il ne voulait point périr dans les flammes ; il leur fit alors comprendre par signes qu'il désirait être conduit là où le feu brûlait. Stupéfaits, ils le guidèrent ; et quand il fut parvenu jusqu'au point extrême permis par les flammes, pour la pre- mière fois depuis qu'il avait fait son vœu, il descella ses lèvres et dit au feu : << Arrête ». On vit alors que le respect et la longue crainte avaient restitué à la parole sa vertu première ; l'élément, en l'enten - dant, rentra dans l'obéissance désapprise : la flamme tomba et s'éteignit.

MEMENTO

L'Amour de l'Art (Février) : Renoir et Vimpressionnisine, par A. Vollard.

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