Page:NRF 16.djvu/623

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

NOTES 617

n'oublie pas (quoique j'eusse été, en le lisant, bien près de l'ou- blier, et ceci est un gros éloge, et autre chose encore) que l'au- teur est monsieur de Lacretelle, que cette confession est une ■ invention littéraire, et Jean Hermelin une création (jusqu'à quel point ? Monsieur de Lacretelle le sait, et ne le dira pas). De sorte que cet échec témoigne du talent de l'auteur et que, du préambule à la conclusion, son étude de caractère est tout à fait logique ; et tout ce qu'on reprocherait à Jean Hermelin, il con- vient d'en louer monsieur de Lacretelle. S'il faut absolument chercher querelle à celui-ci, je lui dirai que Jean Hermelin écrit trop bien, et est trop subtil pour son âge, fùt-il précoce et bien doué, comme nous voyons qu'il l'est, et que ce journal semble écrit par un homme dont l'Ame est toute semblable à celle de Hermelin, mais qui compte quelques années de plus.

Jean Hermelin est un timide, excessivement timide, et délicat, et pudique, tellement qu'on le lui reprocherait, si l'on pouvait reprocher l'excès d'une qualité à une époque oii l'on n'en con- naît plus guère, non l'excès, mais le simple usage. Mais il est si peu de notre époque ! C'est un romantique (et j'entends par là, simplement, l'état d'âme que, communément, on appelle romantique). Il est incompris, voudrait être compris, et ne fait rien pour l'être, s'enorgueillit et se désole d'un isolement dont il souffre, et qu'il lui répugne de briser. Cela le rend morose, et subtil, comme tous ceux qui se concentrent sur eux-mêmes, par goût, et par impuissance à se manifester au dehors. Car il est concentré, non point par égoïsme, ni, somme toute, par orgueil, mais par timidité. Et il est timide par défiance de soi, parce qu'il ne se croit pas capable d'égaler les autres hommes dans tels gestes qu'ils font, qu'il estime inférieurs et que, peut-être parce qu'il les estime inférieurs, il ne saurait pas accomplir ; par une pudeur un peu vaniteuse, parce qu'il craint qu'on ne goûte pas assez, faute de la comprendre, son âme véritable, si un jour il la révélait ; et, enfin, il est timide, parce qu'il est timide, sans que rien puisse y rien changer (témoin ces beaux discours qu'il tient en pensée à son ami Landry, ouvrier pari- sien, et camarade de tranchée, mais qu'il n'ose pas prononcer). Il y aurait encore mille choses à dire sur l'âme de Jean Hermelin, et la place me manque. Ce jeune désenchanté meurt, sans avoir connu de l'amour que les premiers épanchements, de

�� �