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à la brise plus chaude,

dans l’autre :

Au tiède firmament).
À peine une échappée étincelante et bleue
Laissait-elle entrevoir en ce pan du ciel pur,
Vers Rodrigue ou Ceylan le vol des paille-en-queue
Comme un flocon de neige égaré dans l’azur.

Est-ce que ce n’est pas bien joli, mon cher Rivière ? Et bien au-dessous de Baudelaire, ne nous devions-nous pas pourtant de rappeler de si charmants vers au lecteur d’aujourd’hui qui en lit de si mauvais. Les Français depuis quelque temps ont appris à connaître les églises, tout le trésor architectural de notre pays. Il serait bon de ne pas laisser pour cela tomber dans l’oubli ces autres monuments, riches eux aussi de formes et de pensées, qui s’élèvent au dessus des pages d’un livre.

MARCEL PROUST

Quand j’écrivis cette lettre à Jacques Rivière, je n’avais pas auprès de mon lit de malade un seul livre. On excusera donc l’inexactitude possible, et facile à rectifier, de certaines citations. Je ne prétendais que feuilleter ma mémoire et orienter le goût de mes amis. J’ai dit à peine la moitié de ce que je voulais, et par conséquent bien plus du double de ce que je m’étais promis et qui, plus condensé, moins encombré de citations (orné d’autres plus frappantes qui reviennent en ce moment du fond de mon souvenir comme pour se plaindre de ne pas avoir eu leur place), eût été infiniment plus court. Parmi les remarques que j’ai omises, l’une donne raison à M. Halévy qui me reprochait, suivant en cela Sainte-Beuve, de dire adjectif descriptif comme si un verbe ne pouvait tout aussi bien décrire, et du même coup à ceux qui ne comprennent pas que selon moi il n’y ait qu’une seule manière de peindre une chose. En effet dans la Chevelure Baudelaire dit :

Un ciel pur où frémit l’éternelle chaleur