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que les comtesses qui en approchent. Parfois, dans la rue, on rencontrait de ces petites beautés brunes. On sait ce que c'est, naturellement, qu'un officier russe ; ici des épaulettes (Il montre son épaule,) et des broderies d'or... En Italie, chaque maison a son petit balcon et les toits sont plats comme ce plancher. On lève les yeux et on voit, assise, une de ces petites roses. Alors, naturellement, pour ne pas passer pour un goujat... (Il salue et fait de la main un large geste,) et elle répondait comme ça... (Il fait un autre geste.) Habillée, naturellement comme ça : ici, un peu de taffetas, des lacets au corsage et différents bijoux... En un mot un vrai régal...

Anoutchkine. — Permettez-moi de vous faire encore une question. En quelle langue s'exprime-t-on en Sicile ?

Jévakine. — Naturellement tout le monde y parle français.

Anoutchkine. — Et toutes les jeunes filles, sans exception, le parlent ?

Jévakine. — Toutes, sans exception. Vous ne croirez peut-être pas ce que je vais vous dire : pendant les trente-quatre jours que nous y avons passé, je ne les ai pas entendu dire un seul mot de russe.

Anoutchkine. — Pas un seul mot !

Jévakine. — Pas un. Je ne parle pas des nobles seulement et autres signori, en d'autres termes, de leurs officiers. Prenez un simple paysan de là-bas, le moindre porte-faix ; essayez de lui dire ; « L'ami, donne-moi du pain ». Il ne comprendra pas, je vous jure. Mais dites-lui, en français : Dateci del pane, ou Portate vino, il comprendra, partira en courant et vous apportera exactement ce que vous demandez.

Iaïtchnitsa. — La Sicile, comme je le vois, doit être un pays fort curieux. Vous venez de parler d'un paysan. Eh bien, le paysan, comment y est-il ? Est-il exactement comme le moujik russe, large d'épaules et laboureur ?