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704 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAIS

Kotchkariov. — Allons bon ! Qu'est-ce à dire ? Tu reconnaissais tout à l'heure qu'elle est jolie.

Podkolièssine. — Oui, mais il y a quelque chose qui cloche : elle a le nez long et ne parle pas français.

Kotchkariov. — Qu'est-ce que ça peut te faire qu'elle ne parle pas français ?

Podkolièssine. — Il faut tout de même qu'une fiancée parle français !

Kotchkariov. — Pourquoi donc ?

Podkolièssine. — Parce que... Sans cela, ce n'est pas ça.

Kotchkariov. — Voilà encore ! Un imbécile vient de le dire et tu as ouvert l'oreille toute grande. C'est une beauté, entends-tu ! Une vraie beauté ! Une jeune fille comme on n'en trouve nulle part.

Podkolièssine. — Oui, au début elle me plaisait ; mais quand les autres ont commencé à dire : elle a le nez long, elle a le nez long, j'ai réfléchi et j'ai trouvé qu'en effet elle l'avait peut-être un peu long.

Kotchkariov. — Eh ! tête dure, tu n'y vois pas plus loin que le bout de ton nez. Ils n'ont dit cela que pour te dégoûter. Et moi, l'ai-je vantée ? c'est comme ça qu'on s'y prend. Mais, mon cher, c'est une de ces jeunes filles !... Regarde seulement ses yeux. Ce sont des yeux, le diable m'emporte, qui parlent, qui respirent... Et son nez! Je ne sais pas ce que c'est que ce nez. De la blancheur, de l'albâtre. Et pas n'importe quel albâtre, tu sais! Rappelle-toi un peu.

Podkolièssine, souriant. — Oui, à présent il me semble qu'elle est peut-être bien.

Kotchkariov. — Certainement qu'elle est bien ! Ecoute : Maintenant qu'ils sont partis, allons la trouver ; expliquons-nous ; finissons-en.

Podkolièssine. — Ah, ça non ! Je ne le ferai pas !

Kotchkariov. — Pourquoi donc ?

Podkolièssine. — Ce Serait de l'impudence. Nous sommes plusieurs. Il faut qu'elle choisisse.