Page:NRF 16.djvu/722

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

7l6 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

lique sans billet de confcr-sion. Mais je crois les jugements lit- téraires de M. Lasserre dans ses trois études aussi étroits et géné- ralement aussi faux que ceux qu'il a avancés dans son Roman- tisme Français sur les poètes du xix<= siècle. Je crois que si l'art de Claudel et de Jammes peut être dit (et dans un sens qui n'est pas nécessairement malveillant) un art de chapelle esthétique, la critique de M. Lasserre peut s'appeler une critique de chapelle critique. Je crois que son défaut de sentiment à l'égard de cer- taines formes de l'art coïncide avec un défaut de sentiment catholique. Et je crois enfin, après avoir reconnu l'existence et pris la mesure de la chapelle critique et laïque de M. Lasserre, qu'il n'y a aucune raison de la jeter bas, qu'il sied de l'entretenir comme monument historique, de la classer dans une tradition, d'y autoriser avec une tolérance éclairée l'exercice du culte et les imprécations contre le siècle.

��* 1 *

��Sur le premier point, une discussion écrite ne ser\Mrait pas à grand'chose et c'est une conversation qu'il y faudrait. M. Lasserre, dans sa préface, donne comme mission du critique et comme objet propre de son livre le soin de former le goût du public. Il croit que nous souffrons d'une crise du goût et qu'il appartient à la critique de remédier à cette crise. Et je ne dis pas qu'il ait tort. Je vois seulement d'abord que son goût n'est pas le mien, et ensuite que la tâche proposée ici à la critique est singulièrement délicate ; le goût rend des services comme les lutins dans une ferme, à condition de n'être ni invoqué ni emprisonné ni enrégimenté. Croyons à son existence pour allé- ger notre travail, pour y mettre une présence intelligente et animée, ne l'invoquons pas à trop haute voix.

Ainsi, cherchant dans Claudel de belles pages, M. Lasserre cite ces mots de Marthe à Louis Laine lorsqu'ils sont arrivés en Amérique.

O Louis Laine, je n'avais jamais vu la mer ! Che:^^ nous

Le monde ne quitte pas du pays, comme les hctes qui vivent sur les lys.

Mais chacun porte dans son canir Vimao^e

De sa porte et de son puits et de Vanneau où il attache le cheval

O ! et quand nous étions déjà partis, un gros bourdon

Passa autour de ma tète et déjà il filait vers la terre.

�� �