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son auteur qui en reste toujours irresponsable, peut, sans nous gêner, fabriquer du rire avec n’importe quoi, et notamment avec la maladie, la mort, le meurtre.

On voit du coup le revers de la médaille : ce comique ne va pas sans monotonie, et surtout, la part d’humanité profonde des personnages est très réduite. Ce ne sont jamais des fantoches, mais ils ne sont que partiellement humains. Les seuls personnages qui soient complètement vrais, ce sont Triplepatte et le Jeune homme rangé parce qu’il sont les seuls personnages dont les actes et les sentiments soient d’accord.

Sur ce fond comique qui lui est personnel, Tristan Bernard greffe toutes les sortes de comique traditionnel : celui par exemple dont abusa Scaron dans le Virgile travesti et qui consiste à montrer les petits côtés, les besoins bas de la nature humaine au moment où un grand geste devrait être accompli, ou encore la dissociation des expressions toutes faites (« Le vrai cidre commençait à lui donner d’authentiques crampes d’estomac » ou : « Il leur envoyait mille baisers, pas un de plus, pas un de moins »), sans oublier le comique des mots et celui des noms propres, ou les plaisanteries les plus faciles sur la bureaucratie et le téléphone. Il y a de tout cela dans l'Enfant Prodigue.

Tristan Bernard est, avec Courteline, le plus grand de nos auteurs comiques d’au]ourd’hui. La différence fondamentale entre les deux, c’est que Tristan Bernard tire ses effets les plus sûrs du manque de volonté, Courteline du manque d’intelligence des hommes. Les héros de Tristan Bernard ne sont presque jamais inintelligents, toujours abouliques, ceux de Courteline, prodigieusement actifs et entreprenants, toujours stupides.

BENJAMIN CRÉMIEUX

«... MAIS L’ART EST DIFFICILE », par Jacques Boulenger (Plon-Nourrit).

M. Jacques Boulenger a du bon sens, un beau style, de la modération (sauf quand il se précipite, pour le déchiqueter, sur ce pauvre M. Vandérem : eh ! si ce critique est si mauvais, mérite-t-il tant d’intérêt ?). Ce sont trois vertus assez rares, en un temps où la prétention d’avoir des idées neuves détourne de