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NOTES 87

vie avec laquelle est évoqué ce Royaume de Dieu, l'intérieur - de cette petite communauté juive, sont vraiment admirables. Tout vit là-dedans comme dans une miniature de Fouquet. On sent que les dessous ont été préparés avec science et patience, que tout cela s'appuie sur une vérité ; et quelle bonne humeur, quelle joie de peindre, quel plaisir de sentir se former et vivre un style étofîé, intense, corsé, qui n'a jamais chez les auteurs été plus savoureux. Voici de bons travailleurs et de savants artistes qui cueillent à l'heure juste la pleine maturité de letor talent, obtiennent par cette réussite la pleine récompense d'un renoncement délibéré à toute littérature hâtive. Excellente occasion de voir unis en une même réalisation et sur une même figure, comme deux frères eux aussi dont l'apport personnel reste indiscernable, l'art littéraire et la moralité littéraire. albert thibaudet

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��CONFESSION DE MINUIT, par Georges Duhamel (Mercure de France).

Avec Confession de Minuit Georges Duhamel a retrouvé sa meilleure veine, celle qui traverse Vie des Martyrs et Civilisation^ celle à qui ses livres antérieurs doivent leurs plus excellentes parties : une certaine perspicacité du cœur à la fois attendrie et enjouée, une bonté charmante qui découvre en autrui mille richesses, invisibles à des yeux plus orgueilleux. Il semble que Duhamel se méprenne parfois sur ce qui fait sa force véritable ; mais le voici de nouveau dans sa ligne, celle de l'observation, de l'humour. C'est là qu'il est véritablement inventeur et poète.

Son dernier récit adopte la forme dont a si souvent usé Dostoïewski, un de ces mono.ogues, d'une sincérité lamen- table, où un malheureux éprouve le besoin de vider son cœur. On imagine l'auditeur à qui s'adressent ces confidences : quelque inconnu rencontré dans un café, qui fume derrière un verre vide et qui hoche par moments la tête pour se donner l'air d'écouter attentivement. On croit entendre les coups de voix par lesquels celui qui parle cherche à s'épargner la mortifica- tion de voir se fermer les paupières de l'autre. Loin de craindre qu'on lui reprochât cette analogie avec de grands modèles,

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