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90 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

ceaux aclievés. Le premier chapitre de son récit (la rentrée des classes dans un établissement religieux), plus loin la confes- sion au Père Jésuite sont de ce nombre. Et partout répandues la fièvre, la mélancolie, les épuisantes aspirations de l'ado- lescence. Chacun des personnages figiue un aspect de l'adoles- cence — cette adolescence trompeuse et contradictoire où un futur notaire de seize ans peut souifrir plus purement et plus durement qu'un futur grand poète de la douleur, où un aspi- rani-cercleux peut faire tîgure de Don Juan et d'animateur. Déjà dans le Maître du Navire, chacun des héros n'était qu'un reflet de la grande inquiétude humaine, de Timpossible stabi- lité, de l'impossible satisfaction, du « fuir, là-bas fuir... »

Il n'y a donc pas roman au sens propre du mot et l'intrigue romanesque — tant dans le Maître du Navire, que dans V Inquiète Adolescence — est plaquée, surajoutée. Il y a un ensemble de thèmes, deux symphonies, la deuxième beaucoup mieux orches- trée. Et sous les influences évidentes, il y a une personnalité qui n'a pas encore renié ses admirations, ni brisé ses attaches, mais qui est en définitive beaucoup plus originale que celle de nombreux chercheurs d'imprévu.

Personnalité au premier abord un peu fuyante parce que faite de contrastes : avidité à étreindre et à savourer tout le réel qui aboutit à un insurmontable désencha:rtement, désir agonisant à peine réalisé, une sensualité mâle jointe à une sensibilité fémi- nine, goût des départs et du compliqué contredits par le regret de la simplicité native, tout un vieux fonds romantique, un peu provincial ou snob quelquefois, mais éclairé par une impitoyable lucidité et un humour de paj'san français, réaliste et même un peu cynique.

Personnalité un peu trop au miroir encore, encline au quant- à-soi, avec trop peu de fenêtres ouvertes sur l'humanité. Mais prenons garde que les deux premiers romans de Louis Cha- dourne renferment ce qu'auraient dû contenir les deux recueils de vers qu'il n'a pas donnés. 11 s'est épanché. A juger des quel- ques figures de prêtres qu'il a dressées en pied dans VIrjquiète AdoUscenu, il est apte à sortir de lui-même et à plonger dans la diversité du vaste monde pour en ramener des prises vivantes et palpitantes.

Dès à présent, il est en pleine possession de sa forme. Quoi

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