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PRÉFACE A « ARMANCE » 133

lorsque Stendhal écrit (p. 30) en parlant d'Octave : « Il ne lui manquait qu'une âme commune », ce n'est que par la suite que nous comprenons qu'il veut dire : avec une âme vulgaire, ce secret l'aurait moins tourmenté.

Cette explication que, tout le long du livre nous atten- dons, Stendhal sait parfaitement bien qu'elle nous manque et qu'il devrait nous la donner ; mais, avoue-t-il en note (le 26 mai 1828) : « Je ne puis trouver la manière de dire cela honnêtement dans l'ouvrage ; plutôt dans la préface ». De tous les livres de Stendhal aucun n'avait donc tant besoin d'être préfacé, que celui-ci ; si l'on va trouver que peut-être j'insiste un peu trop, les mots que je viens de citer sont mon excuse.

Ainsi, dans son premier roman, (et d'abord il importe de remarquer que Stendhal, en 1827, a déjà quarante-quatre ans lorsqu'il l'écrit, et que ce premier roman est déjà son septième ouvrage) Stendhal nous propose un « ,cas » : celui d'un impuissant ; et ce qui peut sembler paradoxal : d'un impuissant amoureux. Serait-ce donc qu'il trouvait paradoxale au contraire la théorie de son maître Cabanis : « C'est l'humeur séminale elle seule, qui... » plus tard reprise par M. de Gourmont, qui lui aussi se refuse à voir dans le sentiment de l'amour rien qui ne soit dicté par cette humeur, et qui ne trouve dans l'acte de procréa- tion son appel et sa fin dernière. A cette thèse vraiment primaire, le personnage d'Octave oppose un démenti formel. Et comme il sied que le sentiment de l'amour trouve en l'obstacle et la contrainte l'occasion de sa connais- sance et de son exagération, il semble que Stendhal ait voulu nous montrer que l'amour le plus vif sera celui qu'insurgera la traverse la plus profonde : de tous les amoureux de Stendhal, voici le plus fervent peut-être.

L'obstacle n'est pas extérieur ou moral ; il est dans la constitution même. Octave aime, et d'autant plus pas- sionnément qu'il sait qu'il ne devrait pas aimer, qu'il aime

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