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156 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Je ne décrirai point la félicité de Raphaël : je lui devi- nais des causes trop peu morales. Thierry, ayant fait la paix avec ses organes digestifs, entreprenait l'abbé Kam- pitsch sur un point de théologie. La langue adoptée pour ce tournoi fut l'espagnol^ dont le prêtre possédait quelque teinture et pour laquelle Thierr}^ nourrissait une sympa- thie toute romantique.

Les sacs étaient bouclés, les gourdes remplies et les adieux à moitié dits quand reparut notre radieuse com- pagne. Elle avait, pour le quinze août, revêtu de somp- tueuses parures : caraco de soie, tablier de dentelle, jupe de futaine à poil. Les grains d'un triple collier frémissaient sur sa gorge. Selon la coutume du pays, une couronne de petites fleurs candides attestait la pureté de ses mœurs.

Nous partîmes. Le Hochjoch ne fut qu'un jeu. Fille de la montagne, Léné ne semblait aucunement intimidée par le glacier sur lequel flottaient, comme des épaves, d'informes blocs de granit. L'abbé enjambait avec insou- ciance des failles qui eussent englouti un régiment. Le Biel, rugueux et misogjme, aff"ectait de se tenir à l'écart et accablait Raphaël de remarques désobligeantes. Raphaël, amoureux pratique, marchait à l'ombre de son idole ; car le soleil avait surgi d'autant plus vite que nous montions à sa rencontre. Une journée merveilleusement chaude s'annonça et des nuages joufflus se mirent à rouler dans le ciel.

Le Biel, ayant imaginé de quitter ses bas pour se sin- gulariser et se rafraîchir, dut au miroitement du glacier un coup de soleil qui, par la suite, lui pela fort nettement les jambes. Avis aux fanfarons !

La matinée se passa sur le Hochjoch qui ne fut pas de taille à effrayer des gaillards tels que nous. Quelques petites saucisses rouges et le contenu des bidons réjouirent cette traversée sans péril.

Thierr}' échauffait l'abbé Kampitsch. L'honnête ecclé- siastique, après avoir traduit tous ses arguments en plu-

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