NOTES 237
la psychologie de l'Anglo-Saxon, de l'Allemand, de l'Améri- cain. Par une chance unique, un voyageur qui voit en artiste et qui observe en psychologue, s'est trouvé pouvoir traverser les principaux continents de la pensée, multiplier ses points de vue, et rapprocher des manifestations qui s'éclairent les unes par les autres. Le fait humain, parce qu'il l'a observé dans sa quasi totalité, lui apparaît ce qu'il est réellement, merveilleusement un et complexe à la fois. A le suivre, on a l'impression que s'évanouissent des murs entre lesquels on ne s'était pas senti enfermé parce que le monde y était peint en trompe-l'œil. La Chine, dont nous savions juste ce qui tient en des haï-kaï, appa- raît dans son livre comme une moitié de la sphère dont la lumière oblige la rétine de l'Européen à se modifier, où il lui faut apprendre à voir en jaune, à lire à rebours, et sillonnée de chemins oià il lui faut s'engager s'il veut faire le tour de l'homme. Se prêter à ces « imaginations renversées » ne va pas sans un vertige et une tempête de l'esprit. Mais ce serait pécher contre l'esprit même que de ne point les accepter. Outre que le centre de l'activité économique se déplace de l'Atlantique vers le Paci- fique, il vient un autre appel de l'Extrême-Orient où de belles aventures sont réservées à l'intelligence. Emile Hovelaque en donne un avant-goût lorsqu'il évoque à la fresque les pays où tout est démesuré pour le blanc. Enormité de l'espace, profu- sion de la vie des masses qui y pullulent, grandeur des cata- clysmes qui bouleversent masses et espace comme au temps du chaos primitif, fièvre du rythme auquel alternent genèse et des- truction, les capitales brusquement changées en désert, et les déserts versant à flots des caravanes qui semblent venues du fond des âges, l'odeur de vie et de mort d'une civilisation qui se décompose et renaît avec une rapidité tropicale, la vitalité d'une race nourrie de ses morts et assez ardente à en répéter le type pour le garder jeune, la fraîcheur enfantine et la sénilité que l'on peut lire tout ensemble sur les visages jaunes, une forcé bondissante et dérobée sous la porcelaine du masque et le laque des prunelles — autant d'objets dignes d'une méditation pas- sionnée.
Emile Hovelaque ne s'est point arrêté à eux par amour de la sensation. Il était entraîné par une sympathie plus large que celle du dilettante. Et son intuition l'a aussi mené plus avant
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